Rire & Chansons d'accord mais Rire & Cancer ça sonne moins bien... Pierre Desproges songeait-il à la maladie lorsqu'il posait cette fameuse question: "Peut-on rire de tout ?"
Renée a décidé de décortiquer le sens de l'humour lorsqu'il est associé au cancer. Comment retrouver le goût de rire malgré la maladie ? Peut-on rire de son cancer ? Comment utiliser l'humour pour se sentir mieux ? Zoom sur le rire au service du bien-être.

Peut-on rire du cancer ?
La première réponse qui nous vient à l'esprit c'est évidemment pas avec n'importe qui, mais pas à n'importe quel moment non plus. L'humour étant parfois une réaction de protection, peut-être vous est-il déjà arrivé de faire face à la dérision maladroite d'un proche lors de l'annonce de votre cancer.
"Il faut bien mourir de quelque chose !"
In-con-nu
Bien qu'il ne faille pas être psychologue pour comprendre que cet humour sert de déguisement à un profond sentiment de gêne, c'est certainement ce genre d'épisode fâcheux qui aurait pu donner naissance à l'expression Rire jaune / v. intr. : Rire de façon forcée, à contrecœur.
Rire de la maladie est évidemment une faute de goût impardonnable lorsqu'elle est commise par une autre personne que le patient lui même ou sans son accord implicite. On ne peut d'ailleurs pas rire de la maladie à proprement parler comme le résume parfaitement Alexandra Brijatoff - co-autrice de la bande dessinée J’peux pas, j’ai chimio :
« On ne peut pas rire du cancer, mais on peut mettre de l’humour dans l’épreuve et dans la maladie »
Alexandra Brijatoff
Bizarrement, lorsque l'on traite de cancer, l'humour est employé avec plus de facilité par les hommes ou du moins lorsqu'il s'agit de s'adresser aux hommes. C'est notamment le ton adopté par Joseph Barnes dans son podcast "Having a ball" - qui raconte avec dérision le cancer des testicules dont il a été diagnostiqué en avril 2021 - ou celui des campagnes de sensibilisations aux cancers masculins qui font souvent usage du grotesque pour capter l'attention de la gente masculine. CQFD :
Rire pour dédramatiser, rire pour réchauffer la froideur du jargon médical, pour alléger le poids émotionnel de la maladie. L'humour est un mécanisme de défense reconnu. En 1905, Freud parlait d'ailleurs déjà de l’humour comme de « la manifestation la plus élevée [des] réactions de défense» en ce sens qu'il permettrait d'extérioriser les tourments et d'éviter le refoulement en favorisant ainsi un meilleur équilibre psychologique.
"J'ai voulu la faire rire, car lorsqu'on rit de quelque chose c'est moins sérieux."
Romain Gary
Au delà de ces bénéfices individuels, l'humour faciliterait également la communication dans une dimension collective en permettant « d’exprimer l’insatisfaction d’une façon socialement acceptable » [1] dans un groupe, qu'il s'agisse de votre famille, de vos proches ou de votre équipe médicale. Enfin le sens de l'humour manifeste généralement l'intention de faire rire autrui et part donc d'un sentiment louable lorsqu'il ne s'agit évidemment pas de moquerie. On s'en rappellera lors de notre prochaine jaunisse - du rire.
[1] Fortin B, Méthot L. S’adapter avec humour au travail interdisciplinaire : pistes de réflexion. Revue québécoise de psychologie. 2004;25(1):99-118.
Yoga du rire
Au final, peu importe que l'on puisse rire de tout. La question serait plutôt de quoi peut-on rire lorsque plus rien ne nous amuse ? Et si l'on pouvait rire d'un rien ? C'est un peu le principe du yoga du rire qui transforme l'hilarité en une mécanique maîtrisable plutôt qu'une simple réaction déclenchée par un facteur causal.
Concept né d’un médecin indien, Madan Kataria et de sa femme Madhuri Kataria, professeure de yoga, le premier club de yoga du rire voit le jour en 1995 à Mumbai. Bien que considérée comme farfelue, cette technique de yoga est fondée sur le concept de neurosciences selon lequel le corps ne percevrait pas la différence entre un rire spontané et un rire simulé. On obtiendrait ainsi les mêmes avantages physiologiques et psychologiques en sollicitant mécaniquement les muscles du rire - les zygomatiques - qu'en riant naturellement d'une bonne blague. On en revient donc à la définition mécanique du verbe :
Rire / v. intr. :
Exprimer la gaieté par un mouvement de la bouche, accompagné d'expirations saccadées plus ou moins bruyantes.
Les hormones dites du bonheur - dopamine, sérotonine et endorphine - seraient sécrétées dès lors que notre cerveau détecterait une stimulation des muscles des joues et du diaphragme. Le résultat ? Une meilleure oxygénation du sang, une diminution instantanée du stress et donc une détente combinée du corps et de l'esprit pour une bonne humeur assurée.
Puisqu'une image vaut mille mots, voici une démonstration par Solange Casini, Coach certifiée et professeur de yoga du rire :
Gênée de reproduire ces exercices chez vous ? Commencez peut-être par le simple fait de sourire à pleines dents pendant au moins une minute devant la glace le matin ou bien prenez le réflexe - bizarre on vous l'accorde - de reproduire un rire sonore à chaque fois que vous vous lavez les mains *.
* Action à effectuer de préférence lorsque vous êtes seule chez vous, histoire de ne pas inquiéter votre partenaire de vie qui risquerait de penser que vous riez désormais de vos propres blagues - ce qui n'est pas très reluisant, on vous l'accorde.

Pour se fendre un peu la poire
Pour les adeptes du rire spontané qui refuseraient de s'abaisser à un rire forcé, rassurez-vous, les supports ne manquent pas. Voici donc un petit palmarès de nos comptes Instagram, lectures et blogs préférés pour se fendre la poire sans culpabilité.
Sur instagram on adore le compte de @yayoum qui utilise l'auto-dérision pour parler de son cancer du colon avec un peu de légèreté. @apres.cancer manie également le sarcasme avec brio grâce aux illustrations de Jérôme Jacob qui racontent le quotidien de la maladie avec un humour - parfois noir - désarmant de vérité.
La Bande dessinée et le roman illustré ne sont pas en reste grâce à l'humour décapant de Marisa Acocella Marchetto dans Cancer and the city qui raconte son cancer du sein à la manière de Sex and the city, dans un récit vivant, surprenant, drôle et poignant à la fois. Onze mois dans la vie d'une femme, où il est question d'amour, d'amitié, de shopping, de travail, de dîners, de lofts... et de cancer.
L'année du crabe raconte pour sa part - toujours en image - le quotidien d'une jeune fille de 19 ans et de son nouvel ami, un cancer. Un témoignage autobiographique plein d'humour et d'optimisme sur une maladie dont l'auteur est sortie changée sans avoir eu l'impression de vivre un drame.
Vous connaissez peut-être aussi le blog Tchao Günther dans lequel Lili Sohn a raconté le parcours de son cancer du sein en personnifiant sa tumeur baptisée du doux prénom de Günther.

" Je n’avais pas choisi de le vivre mais j’ai eu envie de choisir comment le vivre. C’était mon expérience. Je n’avais rien trouvé qui puisse m’apaiser, j’ai donc créé mon propre apaisement. »
Lili Sohn
Et puis pour celles qui préfèreraient rire de tout autre chose que de la maladie, ne vous inquiétez pas, la toile regorge d'apprentis clown, de séries et de films qui auront le mérite de vous changer les idées et de vous faire travailler les muscles du périnée pour éviter tout accident urinaire fortuit. Notre top 5 lorsque rire n'est plus une option :
Le bêtisier des petites annonces d'Elie Semoun
N'importe quel épisode de François l'Embrouille
Les bronzés font du ski
Le compte instagram de @camillelellouche
Se refaire l'intégrale de La vie privée des animaux
Bonus : cette petite pépite de jeu pour des fous-rires assurés entre amis ou en famille.
A chacun sa parade pour apprivoiser le cancer. L'humour en est une. Tantôt carapace, parfois exutoire, le burlesque, l'absurde, la parodie et l'ironie sont autant d'outils qu'il ne faudra pas délaisser s'ils vous permettent de vous sentir mieux. Freud disait "L’humour ne se résigne pas, il défie.” Alors défions la maladie à coup d'humour.
Prenez soin de vous,
Tendrement.

PS: Renée n'est en aucun cas rémunérée ou sponsorisée par les marques, produits ou intervenants cités dans cet article. Il s'agit de recommandations non exhaustives basées sur nos recherches.