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Travailler malgré le cancer


Sur 1000 nouveaux cas de cancers diagnostiqués chaque jour en France, 400 concernent des personnes en activité professionnelle. Parmi ces patients actifs, 1 personne sur 3 quitte ou perd son emploi après le diagnostic oncologique et seuls six travailleurs sur dix sont encore en poste deux ans après leur diagnostic (1). Ces chiffres éloquents relèvent malheureusement souvent d'un manque de connaissance - et de partage - des solutions existantes pour faciliter le quotidien professionnel des patients. Dans cet article, Renée a revêtu son plus beau tailleur pour vous parler de ces conseils qui permettent d'intercaler la sphère professionnelle dans le parcours de soin contre le cancer.


(1) enquête VICAN2 « la vie deux ans après un diagnostic de cancer ».





Pourquoi continuer à travailler pendant son cancer ?


Il est bon de rappeler que la reprise du travail pendant ou après les traitements contre le cancer est un sujet porteur d'espoir. En effet, si la question se pose, c'est aussi parce que les progrès de la recherche contre le cancer permettent aujourd'hui de réduire certains effets secondaires des traitements. Une amélioration source d'un espoir tangible de rémission et d'une vie de qualité après, voire même pendant, le cancer. On ne pense plus uniquement à guérir mais aussi à retrouver un quotidien actif.


La première raison invoquée par les patients qui souhaitent ou qui peuvent préserver une activité professionnelle pendant leur traitement est le fait de vouloir conserver un pied dans la vie "normale" et dans une vie active qui implique une notion de maîtrise de leur quotidien. Leur activité professionnelle leur permet ainsi de se concentrer sur autre chose que sur la maladie et d'inverser la passivité du rôle de malade : on peut alors agir plus qu'on ne subit.



" Au travail, le travail pense pour nous. "

Michel Chaillou



C'est également le moyen de conserver un lien social régulier avec ceux qui partagent d'habitude le plus clair de notre temps : nos collègues. Le monde de l'entreprise, lorsqu'il est construit sur des bases saines, est en effet un moteur stimulant pour les relations humaines. Il permet notamment de casser l'isolement social dont souffrent de nombreux patients. Un isolement qui peut avoir des répercussions négatives sur le moral et sur l'état de santé des patients qui ont besoin de ces interactions pour solidifier l'estime d'eux-même mise à rude épreuve par les effets secondaires des traitements contre le cancer.

Dans la société moderne, le travail constitue également une réelle identité de la personne. C'est d'ailleurs souvent la première question que l'on pose lorsque l'on rencontre quelqu'un : "Que faites-vous dans la vie ?" Reprendre une activité professionnelle, c'est donc aussi l'opportunité de définir à nouveau son identité par autre chose que la maladie.



Qu'en est-il de la nécessité financière ? C'est malheureusement la réalité de 75% des malades qui se voient contraints de réduire leurs dépenses quotidiennes pendant la maladie, d'après La Ligue Contre le Cancer. Comme le révèle l'étude Asterès réalisée pour le compte de l'association Cancer@Work, le maintien dans l’emploi se traduit par un gain net de 85 à 390 euros par mois pendant quatre mois pour un employé percevant un salaire médian - ces quatre mois correspondant à la durée moyenne d’un arrêt de travail lié au cancer. Pour un.e patient.e salarié.e, le retour en poste après un arrêt de travail avec un temps partiel thérapeutique est ainsi financièrement plus confortable que le chômage, grâce à l’indemnité compensatoire versée par l’Assurance maladie.




La situation est plus compliquée pour les travailleurs indépendants dont la nature même de l'activité rend difficile l’accès à un arrêt-maladie. Difficile de s'arrêter quand on est seul.e à piloter son activité pro et tant la clientèle peut s'avérer volatile. C'est sans doute pour ces raisons qu'un indépendant atteint de cancer sur trois - actif au moment du diagnostic - n’a pas bénéficié d’un arrêt maladie, contre environ un salarié sur huit.

Cependant, pour les travailleur non salariés, il est possible de souscrire une assurance santé, un contrat prévoyance ou encore une garantie chômage dont les cotisations seront déductibles des revenus de votre entreprise pris en compte pour le calcul de l’impôt sur les sociétés. Cet avantage fiscal permis par la loi Madelin ne s'applique pas aux auto-entrepreneurs ni aux travailleurs non salariés agricoles.


Il va sans dire que l'énumération de ces raisons ne se veut en aucun cas culpabilisante pour les patients ne souhaitant pas ou ne pouvant pas maintenir une activité professionnelle pendant leur parcours de soin - qu'il s'agisse de chimiothérapie, radiothérapie, immunothérapie ou hormonothérapie. Chaque patient.e vit son cancer de manière unique et il est parfois physiquement et émotionnellement impossible de travailler pendant leur traitement tant la douleur et l'inconfort sont omniprésents. C'est également le cas pour les professions physiquement exigeantes ou qui impliquent des déplacements géographiques qui sont naturellement à proscrire en cas de traitements contre le cancer. Loin de nous l'idée que cet article se veuille moralisateur à leur égard.


De même, à celles d'entre vous qui auraient effectué une pause dans leur emploi due à une opération chirurgicale ou à leur traitement : Oui, il est parfaitement normal de ressentir une appréhension à la veille de la reprise de son activité. C'est aussi l'une des raisons pour laquelle les professionnels de santé s'accordent pour dire que plus la reprise du travail est tardive et plus cette dernière est difficile.



Comment concilier travail et cancer ?


Lorsqu'il est possible de combiner traitements et travail, sachez qu'il existe plusieurs entités en mesure de vous conseiller et de vous accompagner dans cette double fonction de patient-travailleur.


La sphère médicale


Avant de réintégrer la sphère professionnelle, cette réinsertion se prépare d'abord dans la sphère médicale. Le maintien de l'emploi pendant un traitement oncologique demande ainsi un aménagement - ou une planification anticipée - des consultations avec votre oncologue et de vos séances de soins (chimiothérapie ou radiothérapie par exemple). N'hésitez pas à parler de votre volonté de recommencer ou de continuer à travailler à votre équipe soignante qui pourra également vous conseiller en matière d'hygiène de vie afin de palier les difficultés de concentration, la fatigue physique et intellectuelle. On parle d'ailleurs de "Chemo Brain" pour désigner ce brouillard intellectuel déclenché par certaines chimiothérapies qui pourra être partiellement soulagé à l'aide d'une activité physique régulière, d'une alimentation riche en légumes et en fruits et d'activités anti-stress telles que la méditation.

Sachez aussi que vous pouvez demander conseil à l'un.e des assistant.es de service social (ASS) au sein de votre hôpital, notamment en termes de dispositifs légaux, d'associations spécialisées ou de hotline dédiée pour poser vos questions. C'est une ressource d'autant plus importante pour les travailleurs indépendants dont la situation administrative est souvent plus complexe à gérer que pour les travailleurs salariés.


La sphère psychologique


Coachs et Psychologues peuvent également vous aider à faire un bilan de vos capacités et à mettre en place les jalons nécessaires à la reprise d'une activité adaptée. Ils offrent ainsi des ressources complémentaires à celles proposées par les soignants et agissent comme une passerelle entre la sphère médicale et la sphère professionnelle. Le comité parisien de la Ligue contre le cancer met par exemple à disposition des patient.e.s un programme de coaching et d’aide au retour à l’emploi. Le coach pourra notamment vous faire prendre conscience de vos ressources nées de l'épreuve de la maladie et pouvant vous servir de tremplin en entreprise plutôt que de frein. A l'image du grain de sable qui permet à l'huitre de produire une perle, le cancer vous a permis de développer une résilience qui pourra être valorisée de multiples façons en entreprise : gestion du stress, gestion des priorités, empathie, meilleure connaissance de soi... N'hésitez pas à faire une liste de ces compétences acquises "grâce" au cancer.



La sphère professionnelle


Par la suite, pour celles qui accepteront de parler de leur maladie dans la sphère professionnelle, il existe des solutions concrètes pour aménager votre temps de travail en prenant en compte votre degré de fatigabilité accru par la maladie et les traitements :

  • l'aménagement des horaires de travail : temps partiel, mi-temps thérapeutique (si vous êtes travailleur indépendant artisan ou commerçant, sachez que vous êtes éligible au temps partiel thérapeutique si ce dernier vous est prescrit par votre médecin directement après votre arrêt de travail).

  • les aménagements du poste et de l’environnement de travail : télétravail, reconnaissance de handicap, recentrage des missions du poste

  • la générosité de vos collègues : dons de jours de congés entre salariés

  • le reclassement : mobilité interne, formations professionnelles financées par l'entreprise

  • la réorientation professionnelle : passage du statut d'employé à indépendant


Pour initier l'échange avec l'entreprise autour de ces options, vous pourrez d'ailleurs contacter rapidement la médecine du travail, même si vous êtes encore en arrêt de travail. Dans ces circonstances, le médecin du travail a un rôle central pour réfléchir avec vous aux solutions envisageables pour faciliter votre quotidien professionnel et mettre en place les mesures nécessaires.


Vous pourrez retrouver des outils pratiques pour vous accompagner dans cette réinsertion ou transition professionnelle dans le livre Cancer et Travail écrit par Anne-Sophie Tuszynski et illustré par Lili Sohn : conseils juridiques, avis de professionnels des ressources humaines, médecins du travail, psychologues, philosophes... Un ouvrage d'un vrai soutien pour les patients mais aussi pour les aidants, collègues, managers, ou dirigeants.

De même, le site belge Retour au travail met à disposition un outil interactif conçu sous forme de carte mentale qui vous permettra de cibler plus facilement l'acteur susceptible de répondre au mieux à votre besoin :




Faut-il parler de son cancer à son employeur ?


Et si l'on ne souhaite pas communiquer sur sa maladie dans la sphère de l'entreprise ? Une fois de plus, la bonne réponse est celle que vous aurez choisie. Que cette question se pose dans le cadre d'un entretien d'embauche ou de votre entreprise actuelle, sachez que vous n'avez aucune obligation de parler de votre maladie à votre employeur. Nous l'avons vu ci-dessus, mettre l'entreprise dans la confidence peut vous permettre de faciliter votre quotidien au travail mais ce n'est malheureusement pas toujours le cas. 12 % des travailleurs salariés déclarent ainsi avoir fait l’objet d’attitudes de rejet ou de discrimination liées directement à leur maladie de la part de collègues de travail. Le baromètre Cancer@Work a également révélé en 2016 que le cancer est encore tabou en entreprise pour 55 % des actifs.




Posez vous la question de ce que vous pourriez perdre ou gagner à parler de votre cancer à votre employeur ou même à votre clientèle et à vos prestataires si vous êtes indépendantes. Si la perte dépasse le gain à votre sens et que vous préférez garder le silence, il vous sera tout de même impératif de prévenir votre employeur et votre mutuelle lors de vos absences afin que celles-ci ne soient pas considérées comme injustifiées. Ces justificatifs pourront se faire sous couvert de maladie sans que vous ayez besoin d'en préciser la nature précise. Une autre solution serait également de poser vos congés de manière fractionnée pour éviter toute demande de justification.


Votre décision ne devra pas automatiquement être tranchée. Tentez de répondre aux questions :


" De quoi je parle ? "
" À qui j'en parle ? "
" Comment j'en parle ? "

Enfin, le médecin du travail reste l'un de vos alliés majeurs, même dans le cas où vous ne souhaiteriez pas que votre employeur soit au courant de votre situation médicale. Etant tenu au secret professionnel, il pourra même imposer certains changements organisationnels à votre employeur sans que ce dernier ne puisse les questionner ou en demander la cause.



 


Le travail ce n'est pas forcément la santé, mais ce peut-être un bon moyen de la retrouver s'il transforme vos missions en divertissement, vos collègues en aidants et votre bureau en bulle d'oxygène. On dit que les rêves donnent du travail, alors peut-être faut-il travailler pour recommencer à rêver.



Prenez soin de vous,

Tendrement.





 

PS: Renée n'est en aucun cas rémunérée ou sponsorisée par les marques, produits ou intervenants cités dans cet article. Il s'agit de recommandations non exhaustives basées sur nos recherches.






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